Après lui, le cauchemar est devenu notre réalité.
Les horreurs ne datent pas d’aujourd’hui. Nos bons amis romains, les croisés, Gengis Khan. Tout le monde a massacré ses semblables avec un entrain sans borne.
Qu’est-ce qui change dans la perception que Goya nous donne à voir avec les désastres de la guerre ? De quoi s’agit-il ? Sa lumière lorgne du côté de Rembrandt. Mais là où le maître hollandais nous faisait espérer le salut spirituel par cette même lumière, celle de Goya est strictement blanche, sèche, blafarde, sans rémission. Ses premiers plans calés en contraste présentant la scène principale sont renforcés par un élément architectural ou naturel qui permet puissamment d’ancrer l’imagination dans la réalité. Souvent, un arrière plan plus ou moins lointain, entre ciel et montagne, mais aussi architectural, achève de nous faire ressentir pleinement ce qui se passe.
C’est une véritable souricière visuelle. Et on n’en réchappe pas. Il n’y a plus rien à espérer puisque la guerre et son cortège d’abominations ont définitivement infecté les esprits. La saloperie continuera à se propager et à recommencer. Goya précurseur annonce sans le savoir les séries terrifiantes d’Otto Dix sur la première guerre mondiale, Zoran Music et Isaac celnikier dans leurs interprétations gravées, dessinées et peintes des camps de la mort nazis.
C’est notre lot et c’est notre singularité. Nous savons par leurs oeuvres que notre monde est celui-là et pas un autre. Nous n’échapperons pas à notre condition. Les prémisses d’un strict ordre matériel incarné par un développement technique démentiel confirmé depuis, devaient déjà planer en ce début de 19ème siècle pour qu’un homme aussi sensible que Goya réussisse à le traduire. Rembrandt est d’un autre temps. Du temps où le pardon pouvait se concevoir. Goya ne pardonne pas car on ne peut plus pardonner. Nous sommes tous coupables et impuissants. Démiurges et victimes d’un système effrayant que nous nourrissons et que personne ne peut contrôler.
La machine a fait de nous des damnés en sursis qui vivent dans le confort.