Il était temps. A toujours le regarder dans une stricte comparaison avec Picasso, on avait fini par l’oublier, ne plus le voir. Les expositions intelligentes servent à ça, à nous sortir d’une forme de pensée installée, rebattue et routinière.
En l’occurrence, Braque est vraiment à sa place. Non plus comme peintre fauve, puis cubiste, puis plus rien. Mais comme Braque qui creuse son sillon poétique pendant près de 60 ans, copinant spirituellement et en direct avec Cézanne, certes, mais aussi Corot, Chardin, Poussin, Rembrandt.
Ennemi de l’agitation, du fébrile désordonné, de la concupiscence psychologique, il refuse le mouvement pour le mouvement. Il mise sur le grand chelem; celui du temps qui passe inexorablement sans retour possible. Alors il avance, invente et cultive son jardin humblement, souverainement. Mais avec ce surcroît de conscience réservé à ceux qui savent qu’il est vain d’espérer le salut en dehors de soi tout en sachant rester ouvert sur le monde. Il demeure en apparence dans cette attitude de retrait, de hauteur d’esprit et de sagesse, bref de la grande tradition emmerdante et encombrante dont on a hâte de se débarrasser. Manque de bol, nous avons tous vieilli et les turpitudes formelles des 50 dernières années aussi.
Que reste-t-il alors ? Une ballade au Grand-Palais et des toiles folles, follement maîtrisées, une fraîcheur, des compositions hallucinantes et l’oeil et l’esprit qui se régalent. Sacré bonhomme !!