Encore un oublié inoubliable.
La cause était entendue. L’abstraction française des années 50 ne valait rien. L’expressionnisme abstrait américain et le pop-art à sa suite avaient remporté une victoire écrasante. L’histoire était définitivement écrite.
Alors pourquoi ressortir Serge Poliakoff ? Parce que c’est un peintre majeur, immédiatement doué et juste dans l’élaboration de son langage. Maîtrise de l’espace par composition des rythmes et des formes. L’air circule, la lumière se propage dans le tableau par la sonorité des couleurs dans l’épaisseur de la matière. Le ton est donné d’emblée et la suite se déroule jusqu’aux étonnants aplats qui reprennent les dernières leçons de Matisse et ouvrent la voie à Sol Lewitt et d’autres. Cette peinture est habitée, vibrante, profondément spirituelle, incarnée et détonante.
Et pourtant Poliakoff a disparu des écrans radars de l’histoire de l’art depuis des lustres, ou bien il fut cité comme repoussoir indigent d’une abstraction française ressassée jusqu’à satiété et complètement larguée. A chaque fois, c’est la même chose. Il faut faire payer au créateur son impudence de prophète et de » jaillisseur » de vie nouvelle. Aussitôt disparu, c’est le placard qui attend son oeuvre. L’ingratitude est la matrice de l’histoire de l’art.
Pourquoi tant de désintérêt et d’aveuglement pendant si longtemps devant une peinture d’une telle qualité ?